Sur l’île de La Réunion Produire du lait à 9 400 km de la métropole !
L’île de La Réunion est située au large de l’Afrique du Sud, à plus de 9 000 km de la métropole. Elle est connue pour ses plages, son volcan et son rhum mais un peu moins pour ses briques de lait… Et pourtant, la production laitière y est bien présente et la demande continue d’augmenter.
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Créée en 1962, la Sicalait est la seule coopérative laitière de l’île de la Réunion. C’est aussi la seule de l’ensemble des territoires d’Outre-mer. Aujourd’hui 48 exploitations produisent 17 millions de litres de lait par an. Le lait est transformé à la Cilam à St Pierre de la Réunion (franchisée Yoplait) et à Sorelait sur la commune du Port (franchisée Danone). L’exploitation moyenne compte 52 vaches laitières et livre 350 000 litres par an. Les producteurs de la Sicalait fournissent 20 % seulement de la consommation de lait de l’île, le reste est importé.
La production laitière est localisée sur les hauteurs de l’île, principalement à la Plaine des Cafres et tout autour. La température moyenne est de 18 °C (entre 15 et 20 °C toute l’année). La pluviométrie est très abondante, 2 200 mm par an, et régulière : 120 à 350 mm par mois, avec au minimum 15 jours de pluie au cours du mois.
Là-bas, la filière laitière fait face aux mêmes enjeux qu’en métropole, le renouvellement des générations est un point crucial. En 2006, la collecte était de 26 millions de litres. Les besoins sont croissants avec le développement de la population et du tourisme. La pression foncière est aussi très forte, à la fois sur la bordure littorale et dans les hauts. En jouant la carte locale, avec la marque Lait Péi, la filière a des atouts pour répondre à la demande croissante de lait sur l’île.
Des rations basées sur l’herbe enrubannée et les concentrés.
La ration type est composée de récolte d’herbe enrubannée (environ 10 kg MS). Elle est complémentée avec des concentrés de production, à base de céréales et de pulpes importées (8 à 12 kg/vache/jour). La paille CAS, une graminée locale, est ajoutée à hauteur de 1 à 2 kg par vache, pour faire du lest.
La ration peut sembler étrange. Mais la qualité des fourrages récoltés reste une grosse difficulté technique. Les conditions climatiques chaudes et arrosées sont certes favorables à la pousse (rendements en herbe conséquents : de 15 à 20 t MS), mais le climat dans les « hauts » est très changeant. La fenêtre de séchage des andains d’herbe est réduite : souvent entre 9 h et 12 h, au-delà la pluie est souvent de retour… Les valeurs alimentaires sont très moyennes : 0,70 à 0,75 UFL/kg MS. C’est toujours compliqué d’équilibrer des rations avec des fourrages aussi pauvres.
La production laitière s’en ressent. Les moyennes oscillent entre 15 et 29 litres par vache par jour (4 500 kg à 9 500 kg/vache/an, en système relativement intensif à la vache). La technicité des producteurs ne peut pas compenser la valeur des fourrages. Les résultats de reproduction sont souvent dégradés, ce qui accentue le plafonnement des performances.
Un manque de fourrages récurrent
Il y a une pression foncière marquée, même dans les hauts. Les surfaces cultivées sont très réduites. La sécurité fourragère passe par des achats de fourrages pour plus de la moitié des producteurs. La Sicalait a mis à disposition de ses adhérents une banque fourragère constituée à partir d’achats. Ainsi, 5 000 balles ont été récoltées chez des exploitants non producteurs de lait l’année dernière. Une grille de tarification basée sur la qualité et le poids des balles d’enrubanné a été instaurée par la coopérative, les balles les plus pauvres étant réservées pour des génisses et vaches taries.
Deux à trois récoltes de maïs possibles par an !
Depuis 2022, des ensilages de maïs ont été testés, sous forme de balles enrubannées. 2 500 balles ont été récoltées. Le maïs est ensilé dans la zone de canne à sucres, entre le littoral et les hauts. Afin d’éviter toute concurrence foncière avec la canne, la culture de maïs s’intercale entre deux renouvellements de canne à sucres (tous les 7 ans en moyenne). Le climat chaud et humide des bas permet d’atteindre la bonne maturité pour l’ensilage en 3,5 mois ! Ainsi sur une même parcelle, 2 récoltes de maïs sont réalisées la même année (un troisième cycle a même déjà été possible sur une parcelle !).
Ce fourrage énergétique trouve tout son intérêt pour compléter des rations souvent déficitaires en UFL. Il constitue une réelle opportunité pour réduire les quantités de concentrés apportés. La Sicalait étudie l’itinéraire technique le plus adapté et les charges de mécanisation associées, afin de réduire son coût de production.
Quelques chiffres technico-économiques du groupe Ecolait BTPL La Réunion (7 producteurs, 12 mois glissants) :
Nb VL traites | lait/VL/j | kg MS/vl/j | Concentrés (g/l) | Total conc. (€/1000 l) | Aliment indiv (€/1000 l) | Additifs (€/1000 l) | Coûts fourragers (€/1000 l) | Coût alim (€/1000 l) | Prix du lait (€/1000 l) | Marge alim (€/1000 l) | Coût alim (€/VL/j) | Marge alim (€/VL/j) |
63 | 25 | 22,4 | 482 | 219 | 104 | 1,9 | 116 | 336 | 686 | 351 | 8,3 | 8,8 |
Les marges lait sont proches de ce que nous connaissons en métropole. Le prix du lait compense les surcoûts de la ration.
Une volonté de rénover ou de développer des stabulations vaches laitières.
La production laitière est très impactée par les quelques coups de chaud et la période cyclonique. Les vaches manquent souvent de confort lors de ces épisodes et la production chute brutalement.
Dans cette île tropicale humide, la construction d’étables fonctionnelles est devenue un défi majeur pour la filière laitière. Aujourd’hui, suite à de nombreuses constructions récentes, plus de la moitié des élevages dispose d’un couchage pour les vaches (en logettes lisier essentiellement). De nombreux projets sont encore à l’étude ou en cours de réalisation. Le premier robot de traite été installé en 2021 et 2 autres exploitations seront équipées d’ici fin 2023. La région accompagne la modernisation des bâtiments d’élevage.
Un défi majeur pour la filière : l’assainissement leucose
L’île est non indemne de leucose. L’assainissement des troupeaux nécessite le remplacement de femelles positives par des femelles négatives.
Depuis plus de 5 ans la Sicalait s’est engagée dans un vaste programme d’élevage de génisses indemnes pour pouvoir assainir progressivement les troupeaux de ses adhérents. Aujourd’hui, la coopérative est capable de vendre à ses adhérents 250 à 300 génisses prêtes à vêler indemne d’IBR, BVD et Leucose. La conduite est rationalisée pour un vêlage à 24-25 mois et un suivi sanitaire pointu.
Aujourd’hui, la production se stabilise depuis 3-4 ans et se redresse lentement mais sûrement. Un accompagnement technique renforcé allié à une aide financière directe que la Sicalait propose à ses adhérents dans le cadre de son Plan de progrès, donnent de bonnes perspectives pour la filière laitière réunionnaise.
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